Extraordinaire

Les frères Connor ont confié à la galerie londonienne Bonhams la vente aux enchères au profit des organisations caritatives du NHS Covid-19  de cette épreuve unique  « Extraordinary People ». Cette manière de retravailler des images anciennes est en quelque sorte la marque de fabrique des jumeaux Franklyn et Brendan Connor qui furent « élevés au sein d’une secte secrète et très controversée appelée « The Family ». Née du mouvement hippie en 1968 et fondée par David Berg, « The Family » était une secte chrétienne intégriste dont les membres croyaient en quelque chose appelé « The System ». Parmi les autres enfants élevés au sein de la secte figurent les acteurs River et Joaquin Phoenix. » Tout cela vous semble incroyable? Peut-être avez-vous raison.

Deuils & Covid-19

Cette page reprend quelques suggestions quant aux rituels de deuils. Nous savons à quel point ceux-ci sont indispensables et provoquent des blessures profondes quand ils ne peuvent être organisés. Ces blessures ne touchent pas seulement les personnes endeuillées elle-même, elles ont également un effet sur toute la société. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition d’un deuil public suggéré par la philosophe italienne Donatella Di Cesare.

Ressources

Lectures

Consacrons une journée à un rite public pour commémorer les victimes du coronavirus par Donatella Di Cesare

(Publication originale dans L’espresso ( 20 avril 2020 – traduction de Silvia Guzzi pour lundimatin#240 – 27 avril 2020)

 

Toute atteinte à la dignité de la mort entrave la mémoire collective et mine les fondements du vivre-ensemble citoyen. Quand l’urgence première sera passée, il faudra que l’Italie consacre une journée à la mémoire des victimes du coronavirus afin d’aider ceux qui restent à élaborer ce deuil aujourd’hui spectral.

En Italie, dans la nuit du 18 mars, un homme filme depuis son balcon les images d’un long convoi de véhicules militaires : chargés des cercueils des victimes du Covid-19, les camions quittent le cimetière de Bergame pour les acheminer vers d’autres villes. Le crématorium de Bergame n’arrive plus à écouler les corps devenus trop nombreux. Cette vidéo provoque un traumatisme profond au sein de la population. On croirait ces images sorties des limbes d’un passé de guerre, une blessure jamais refermée. Et ce sont les images d’un droit nié : le rite de l’adieu .

Ces cortèges lugubres, qui avancent sous escorte, se multiplient sur les autoroutes, les périphériques et les routes secondaires. Les morts ne doivent pas déranger la ville des vivants. Mais sous les bâches mimétiques, il y a le marchand de tabac, la maîtresse d’école retraitée, le curé des pauvres, l’agent de police, l’épicier, la voisine du troisième étage, deux époux morts ensemble. Ce sont de petites-grandes histoires de province, anéanties d’un seul coup par une Histoire qui a récemment pris une tournure apocalyptique. Comme si soudain tout prenait fin.

« Le nombre des décès d’aujourd’hui – annonce-t-on dans un jargon froid – n’est pas tellement élevé. » Or les victimes se comptent par centaines. Et derrière ces chiffres, ces courbes, ces schémas, c’est une génération entière qui est effacée, celle qui a construit l’Italie de l’aprèsguerre . Ce sont les personnes âgées fauchées par le virus dans les maisons de retraite, ces grands espaces vides où l’on parque la vieillesse, les plus abandonnées et, comme toujours, les plus pauvres. Ces personnes sont mortes dans une solitude différente de celle qui accompagne les derniers moments. Le virus isole dès avant la mort. On lutte pour respirer entubés, reliés à des machines. Sans famille, sans amis auprès de soi. Sans le moindre geste, ni quoi que ce soit qui ressemble à un adieu.

Dans la culture hygiénisante actuelle, la mort doit être nettoyée, désinfectée, stérilisée. C’est pourquoi elle est refoulée dans les coulisses de la scène publique. Le fait qu’elle soit provoquée par un virus inconnu rend tout cela encore plus criant. Les fosses communes que des drones découvrent çà et là, comme à Hart Island, l’île-cimetière de New York, en sont la preuve. La modalité adoptée pour la sépulture, farouchement aseptique, impitoyablement expéditive, fait horreur. L’épuration de la ville vidée de la mort inquiète. Mais si les morts disparaissent et si les corps sont traités comme des déchets contaminants, alors la ville devient une nécropole, un espace aseptique et stérile de mort .

Nous ne pouvons pas accepter que la distanciation entraîne un confinement sommaire des victimes. C’est un sujet dont on ne parle pas encore, parce que le choc est profond et la perte, énorme. Mais bien vite il va falloir que l’on organise en Italie un rite public qui permette à la communauté blessée de se rassembler et qui l’aide à élaborer ce deuil, aujourd’hui spectral .

Notre histoire récente nous apprend que toute offense faite à la dignité de la mort mine la communauté entière, empêche le travail de deuil et inhibe la mémoire. L’impossibilité d’élaborer le passé suspend le présent, condamne l’avenir. Les gestes d’adieu et les rites collectifs de la perte sont donc indispensables. Car si la mort est irréversible, elle ne s’achève cependant pas dans la négativité. Même les non-croyants considèrent le rachat de la mort de l’autre comme un devoir.

Celui qui survit est appelé à répondre, il a une responsabilité qui va au-delà du sentiment de culpabilité qui le tourmente, au-delà de l’obligation au respect. Avec la mort de l’autre, c’est aussi son monde unique, irremplaçable, qui prend fin – un monde qui était aussi un peu le mien, qui était aussi un peu le nôtre. Celui qui reste est plus seul, mais aussi plus pauvre de monde.

La promesse du deuil est d’emporter avec soi l’autre et le monde de l’autre. Nos vieux s’en sont allés et, avec eux, notre monde et notre mémoire. L’Italie ne sera plus celle d’avant. Et elle sera pire si nous ne les pleurons pas vite ensemble.

Un processus de deuil collectif est nécessaire pour aller de l’avant

La mort fait partie de la condition humaine, de la vie même. Et un peu d’oubli de cette condition est sans doute nécessaire aux humains pour être heureux. Mais un déni trop important est problématique, rend malheureux, peut tuer même faute de reconnaître les risques. C’est pourquoi nous avons besoin de rituels collectifs autour de la mort. Pour laisser les morts en paix et permettre aux vivants de retrouver le chemin du bonheur. Pour nous souvenir des risques et mieux les anticiper à l’avenir, ensemble.

Voici un an, le premier Belge était déclaré positif au coronavirus. Début 2020, se déclenchait la pandémie de covid-19. Depuis lors, plus de 20.000 personnes sont mortes de cette maladie dans notre pays. Près de 700.000 personnes ont été contaminées. Quasiment tous, nous avons été touchés, directement ou indirectement. Nous sommes contraints, et certains plus que d’autres, à subir le deuil, la maladie, l’angoisse, de nombreuses restrictions de liberté, plusieurs confinements et l’absence de certitudes quant à l’avenir.

Encore une fois dans cette nouvelle ère mondialisée de l’histoire, nous pouvons ressentir la destinée commune de toute l’Humanité. Nous formons une même espèce, confrontée à une menace universelle. Partout dans le monde, à cause de ce virus, on meurt, on souffre, on subit, on pleure, on déprime, voire on désespère. La détresse est aussi morale, spirituelle, car l’avenir est incertain, la foi, même laïque, dans l’aventure humaine est ébranlée.

Un deuil sociétal

Mais les statistiques ne disent rien de notre vécu. C’est la personne humaine qui est touchée au cœur. Le confinement mutile la joie de nos relations. Nombre d’entre nous ont connu la tragédie de perdre un proche, un grand-parent, une mère, un père, un.e collègue, un.e ami.e, une sœur, un frère, un enfant parfois. Des élus privés de sommeil, des soignants privés de repos, des indépendants privés d’activité, des retraités privés de visites, des employés privés de contacts professionnels, des jeunes privés d’amitiés et d’aventures, des couples privés d’amour, des enfants privés d’insouciance… Ce n’est bien sûr pas la première fois dans l’histoire. Mais nous espérions que nos civilisations avaient dépassé les grands fléaux du passé. Peut-être étions-nous trop insouciants ? Car ce que nous vivons est bel et bien un fléau historique, une grande privation collective, un véritable deuil sociétal.

Toute l’Humanité est confrontée à une même adversité, malgré les privilèges de certains. Le virus nous ramène à notre commune condition mortelle et souffrante. On ne peut rester plus longtemps dans une certaine forme de déni, de non-dit subtil mais réel, de ce grand deuil collectif. Nous avons besoin de passer par toutes ses étapes, dont la première est la reconnaissance publique de la réalité de la perte.

Un rituel ancestral

Le rituel du deuil est une des premières traces anthropologiques de l’Humanité. Dès l’aube de notre espèce, on enterre les morts avec d’infinies précautions, on déduit des rituels élaborés et on ne peut que ressentir que, déjà, on pleure celui ou celle qui s’en va. On peut dire sans erreur que ce qui fonde notre humanité, ce qui nous rend humain, c’est notre considération pour le caractère unique de l’individu. Cela implique la reconnaissance de la perte irrémédiable que constitue un décès, pour le reste de la société. Nous sommes des êtres de relation, de rituel et de récit collectifs. Le deuil collectif est nécessaire pour maintenir soudée une société, une tribu, une organisation, une famille, un couple, un pays.

La trame sociétale a été déchirée pendant de trop longs mois par le confinement, par l’absence de présence aux côtés des mourants et des souffrants, par la solitude, par la tristesse et l’angoisse, par l’oubli. De nombreux processus de deuils ont été saccagés par les circonstances, n’ont même pas commencé. Autant de bombes à retardement psychologiques, sociales et politiques. Certains pans de la société courent le danger de se réveiller méconnaissables, frustrés, pleins de rancune.

Une cohésion sociale nécessaire

Jamais peut-être dans l’histoire moderne de la Belgique, y a-t-il eu autant de morts civils au cours d’une seule année. Il y a toujours eu des virus et des épidémies certes. Mais les pandémies de caractère mondial n’ont émergé que depuis que nos sociétés sont mondialisées. La fréquence des pandémies augmente depuis que nos interactions avec la faune et les virus sauvages sont devenues insoutenables. La vitesse des déplacements internationaux favorise la contamination internationale. Malgré des pronostics scientifiques très précis, nous avons été pris au dépourvu, désarmés, dès l’entame de la pandémie, et jouons encore perpétuellement un coup en retard. La pandémie de grippe espagnole de 1918 n’a pas fait l’objet de suffisamment de prise d’acte à l’époque, d’études scientifiques, de reconnaissance officielle, de cérémonies de deuil nationales, ni de monuments alors qu’elle a tué plus que la Première Guerre mondiale. Ce déni sociétal s’expliquait par la proximité de la guerre mais est fâcheux car la mémoire de nos populations n’a pas suffisamment intégré le risque pandémique. On voit qu’en Asie, des pays récemment frappés par d’autres virus à caractère pandémique ont pu déployer plus rapidement et mieux les contre-mesures pandémiques, avec davantage de cohésion sociale. La mémoire collective, qui s’incarne dans des institutions comme les universités, les administrations, les institutions sanitaires de lutte contre les virus et la création culturelle en général, est ce qui permet aux sociétés de ne pas reproduire les mêmes erreurs et de ne pas se retrouver désarmées face aux incertitudes et aux fléaux. La mémoire sociétale est un instrument de résilience collective. Sans célébration de deuil national, et sans construction, à terme, par exemple, de monuments aux morts et aux victimes, sans création d’institutions de veille, de détection, de préparation et de lutte contre les pandémies, nous serons encore pris au dépourvu lors des prochaines pandémies, fortement probables.

Trouver le réconfort dans la solidarité nationale

Victimes comme les autres à différents degrés, nous souhaiterions proposer une démonstration nationale de solidarité envers ceux qui souffrent au sein de la population, en particulier les plus vulnérables. C’est pourquoi nous demandons aux chefs d’exécutifs et d’assemblées du pays d’examiner l’opportunité de décréter une journée ou une semaine de deuil national pour les plus de 20.000 morts de la pandémie. Ceci afin que notre société puisse reconnaître et pleurer ceux qui sont partis, reconnaître et exprimer collectivement ses souffrances, trouver le réconfort dans la solidarité nationale, et récupérer un peu d’énergie vitale afin de continuer à lutter, ensemble, contre la pandémie. Le deuil est une étape nécessaire pour nous permettre de tourner notre regard, avec détermination, vers l’avenir. Concrètement, il s’agit d’organiser ce rituel de deuil national : discours officiels, drapeaux en berne, appel aux citoyens à allumer une bougie et afficher un drapeau en berne, minutes de silence dans les assemblées, propositions de cérémonies citoyennes de recueillement, où l’on donne la parole aux victimes, en particulier les plus vulnérables (dans le respect des règles actuelles, virtuellement si nécessaire).

Nous devons reconnaître ce qui nous arrive en tant que société, si nous voulons rester humains et du côté de la vie. Il ne semble y avoir que de mauvaises raisons pour reporter davantage cette étape de deuil indispensable pour la société.

Ressusciter la convivialité nationale

Les rituels de deuil accompagnent la mort et la souffrance de la perte. D’autres rituels célèbrent la vie et la joie du vivre ensemble. C’est pourquoi, et même si cette perspective nous paraît encore éloignée, nous demandons également aux responsables politiques et de la société civile de lancer, dès que la situation sanitaire le permettra, des processus populaires pour recoudre le tissu sociétal, des fêtes pour ressusciter la convivialité nationale, des dialogues pour rétablir la confiance entre les citoyens et les élus. Nous pourrions alors honorer les victimes dans une vraie chaleur humaine. Nous pourrions alors affirmer notre détermination à refaire ensemble société, à construire ensemble une existence plus heureuse, en meilleure santé, plus juste, plus soutenable et plus prospère.

*Signataires : Paul Blume, agent de la fonction publique retraité, Observatoire de l’Anthropocène ; Gauthier Chapelle, auteur et chercheur in-Terre-dépendant ; Philippe Defeyt, économiste (Institut pour un Développement durable), ancien président du CPAS de Namur ; Linda Delory, formatrice en Ecopsychologie et Transition Intérieure, facilitatrice de cercles de deuil ; Olivier De Schutter, juriste, rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits humains, professeur à l’UCLouvain ; Richard Duport, médecin généraliste, Docs4Climate – Health for Future ; Isabelle Ferreras, présidente de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, professeure à l’UCLouvain ; Paul Jorion, anthropologue, sociologue, essayiste et psychanalyste, professeur associé à l’Université Catholique de Lille ; Marc Lemaire, entrepreneur, Coalition Kaya ; Corinne Mommen, animatrice à Terr’Eveille et Humus asbl ; Gabriel Ringlet, prêtre, écrivain, poète et théologien, professeur émérite de l’UCLouvain ; Maye Vandenbussche, médecin généraliste, Centre de Médecine générale Tombu à Bruxelles ; Jean-Pascal van Ypersele, climatologue, ancien vice-président du GIEC, professeur à l’UCLouvain ; Vincent Wattelet, écopsychologue, Mycélium et Terr’Eveille ; Arnaud Zacharie, secrétaire général du Centre national de Coopération au développement (CNCD).

Chez les gens simples

 Marzio Tonolino  est photographe et instituteur, il chronique la vie simple. Voici, dit-il, Gianni, le meilleur ami de mon grand-père, avec sa compagne Anna. Dans une autre photo, le même personnage dit Au revoir devant la grille fermée d’un cimetière dans lequel il ne peut entrer. « Avant le 20 février,  mon grand père et lui , nous dit  Marzio Tonolino, se réunissaient tous les jours, matin et après-midi, pour discuter sur les chaises devant le bar central du village ou sur le banc devant. Ils l’ont fait même après, car – avant le virus et les décrets – il y a l’amitié entre deux personnes âgées, qui ne connaissent pas de règles.

Gianni est une âme libre et il y a peu de choses chez lui. Et si le bar est fermé, il se rend au cimetière pour dire au revoir à trois des quatre femmes de sa vie. Lorsqu’il découvre que le cimetière est fermé, il retourne au bar, oubliant à nouveau tout. Je l’ai vu faire des allers-retours en vélo tant de fois. Toujours incrédule face à ce nouveau monde dans lequel ils lui ont pris sa liberté, mais jamais en colère. Hier, je l’ai trouvé comme ça, alors que je passais par là. Il disait au revoir à ceux qu’il aimait et qui ne sont plus. »

Sous le nom de jame_gumb, le même artiste photographie des scènes de nuit.

Paresses

Voilà donc le photographe David Kirsher confiné, lui aussi. « La Terre fait une pause, dit-il, et on nous demande de rester sur notre canapé. Comment le confinement vous affecte-t-il ? Quelles sont vos nouvelles priorités au quotidien ? Cuisiner, regarder des films, écrire un journal intime, se reposer, se faire des câlins, apprendre à jouer du ukulélé. Pendant 48 heures, j’ai installé une caméra sur le plafond de mon appartement, et avec la participation de ma colocataire (et du chat) j’ai photographié quelques tranches de notre vie en quarantaine ».

Distances sociales

La photo date d’il y a presque 100 ans. Juillet 1923,  Nikos Kazantzakis et ses amies sont au bord de la mer Baltique.

Pendant combien de temps encore allons-nous devoir maintenir les « distances sociales » des jours (mois, années?) Corona?  Un temps qui donnerait à nos souvenirs une teinte de photo délavée?

De son côté,  Hervé Bienvault profite de cette période de confinement exceptionnelle pour entreprendre un vaste chantier : nous offrir en version numérique  l’Odyssée de Nikos Kazantzakis. Cette vaste épopée poétique de 33.333 vers, que Kazantzaki considérait comme son œuvre majeure, fut éditée en 1968 (Plon) dans une traduction de Jacqueline Moatti, épuisée aujourd’hui.

Mon beau virus

A l’image du virus, Stefania Esposito & Renato Tata ont créés de superbes fonds d’écrans disponibles gratuitement. Beaux, certes, mais de-là à s’avérer préventifs comment le pensent les créateurs…  « Désormais, chaque fois que vous touchez l’écran, le problème est littéralement mis en évidence, ce qui vous rappelle de vous laver les mains et de désinfecter l’écran de votre téléphone »